La photographie infrarouge

Voici une curiosité redécouverte à l’occasion d’un classement de photos; je vous le fais partager même si depuis l’écriture de cet exposé, beaucoup des films que je cite sont devenus (presque) introuvables.

La photo infrarouge, pourquoi faire ?

Au départ, les films infrarouges étaient destinés à des applications scientifiques, mais les photographes s’en sont emparés pour réaliser des effets spéciaux. Les images obtenues ne manqueront pas de réserver des surprises au développement, d’autant plus que le sujet s’y prête : on peut soit porter un regard complètement original sur un thème banal (paysages…) ou déjà partir d’un sujet insolite. Pour le choisir, il faut avoir à l’esprit les effets produits par la prise de vue infrarouge :

  • En NB, les images sont granuleuses, les nuances sont très claires, comme dans un rêve… En couleur, les teintes sont complètement transformées.
  • Une scène extérieure par beau temps comprenant du feuillage et de l’herbe ressemblera à un paysage de neige car la chlorophylle des plantes réfléchit les rayons infrarouges. Toutefois, aucune plante ne les renvoie de la même manière, ce qui se traduira par des tonalités différentes.
  • Le sable, les nuages et les personnes apparaîtront également très clairs, car ils réfléchissent eux aussi le rayonnement infrarouge.
  • L’eau sortira claire ou sombre, en fonction des objets qui s’y reflètent.
  • Un ciel dégagé ressortira d’un noir très profond car il ne reflète pas les infrarouges

L’effet est d’autant plus marqué que l’ensoleillement est fort.

Un peu de physique

La couleur de la lumière est déterminée par sa longueur d’onde exprimée en nanomètres (nm), le domaine visible par l’œil humain s’étend jusqu’à environ 700 nm. Entre 700 et 800 nm environ, on parle de proche infrarouge, puis d’infrarouge au-delà de 800 nm.

 

La physique en musique

La physique en musique

Les films

C’est là que ça se complique, la « fin » de l’argentique est passée par là, et nombre de références ne sont plus produites, si ce n’est quelques refabrications assez confidentielles. Je me souviens avoir écrit le premier jet de cet exposé pendant mes années de lycée, et le Kodak HIE était encore produit et disponible pour la somme pas très modique de 18€ environ le film. On peut maintenant tenter sa chance sur Ebay, mais les prix s’envolent vite…

In memoriam : Kodak HIE (High Speed Infrared)

C’était le film le film à la plus haute sensibilité et sensible le plus loin dans le spectre infrarouge (jusqu’à 900 nm contre environ 650 nm pour un film N&B classique). Le support est plus fin que ceux des autres films, car il n’a pas de couche anti-halo. La granulation est très apparente (semblable à une Tmax 3200).

  • Filtres utilisables : tous. A défaut de 89B, on utilise un filtre rouge 25, sachant que l’effet est d’autant plus remarquable que le filtre est foncé.
  • Manipulation : IMPORTANT : Le film doit être manipulé, y compris pour le chargement et le déchargement de l’appareil, dans le NOIR COMPLET, sous peine de voiler la totalité du film (à ce prix ce serait dommage…). En effet, la tranche conduit la lumière comme de la fibre optique, et les lèvres en feutrine laissent passer les rayons infrarouge. Si vous voulez conserver votre film, il faut le mettre au frigo (voire au congélateur).
  • Exposition : l’indice ISO du film est variable selon les conditions d’ensoleillement et le filtre utilisé. En été, en pleine journée, on peut faire la mesure à 200 ISO (pour un filtre 89B) ou 400 ISO (pour un filtre rouge) sans filtre puis le remettre à la prise de vue. Pour les autres situations, comme en fin de journée ou en hiver, on se basera sur une sensibilité de 100 ou 64, voire 50 ISO si la lumière est faible.
  • Mise au point : vu que la longueur d’onde de la lumière captée n’est pas la même qu’en temps normal, la mise au point sera décalée. Certains objectifs ont sur la bague de mise au point un repère « R » ou un point rouge. Dans ce cas, on procède ainsi : débrayer l’autofocus, faire la mise au point manuellement, décaler la mise au point sur le repère « R » ou le point rouge. Une solution plus simple consiste à choisir une faible ouverture pour compenser ce décalage par une grande profondeur de champ. Enfin, certains objectifs ne nécessitent pas de décalage en photographie infrarouge.
  • Développement : le traitement de ce film est le même que pour un film standard, à la différence qu’il faille chercher l’amorce dans le noir.

In memoriam : MACO IR 820

Techniquement le plus proche du Kodak HIE, sa production a également cassé mais il se trouve facilement sur Ebay (aux alentours de 20€ la pellicule tout de même). Il se manipule également dans le noir complet.

Ilford SFX 200

  • Caractéristiques : film sensible jusqu’à environ 750nm (donc proche infrarouge). Il dispose d’une couche anti-halo, comme les autres films. Son grain est relativement fin. Disponible en formats 135 et 120.
  • Filtres utilisables : jusqu’au 89B.
  • Exposition : L’Ilford SFX 200 est donnée pour 200ISO, mais il faut tenir compte du coefficient du filtre (c’est à dire une sensibilité réelle de 25ISO avec un filtre rouge foncé).
  • Manipulation : ce film peut être chargé et déchargé au jour.
  • Prix : environ 8€ la bobine.

Rollei IR400

Également un film proche-infrarouge, similaire au SFX200

In Memoriam : Kodak Ektachrome Infrared EIR: le seul film infrarouge couleur

  • Caractéristiques : film diapositives couleur, sensible jusqu’à 900 nm. Son grain est apparent. Le rendu est en « fausses couleurs » et varie suivant le filtre employé. Il est également possible de le développer en traitement croisé pour accentuer l’effet.
  • Manipulation : Comme l’HIE, le film doit être chargé et déchargé dans le NOIR COMPLET.
  • Filtre utilisable : Kodak recommande d’utiliser un filtre jaune n°12.
  • Exposition : La sensibilité du film est 200 ISO avec un développement E-6 standard.
  • Prix : astronomique !

Matériel nécessaire : des filtres

  • Jaune n°12 : à utiliser sur l’EIR, quasiment pas d’effet sur les films NB.
  • Rouge n°25 : Bloque jusqu’à ≈ 580nm. Utilisé sur l’HIE, il produit un effet assez marqué ; avec un film proche infrarouge, son effet est semblable à celui produit sur un film NB classique.
  • Rouge foncé n°29 : Bloque jusqu’à ≈ 600 nm. Effet plus marqué qu’avec le n°25
  • Rouge très foncé 89B : Bloque jusqu’à ≈700 nm. L’effet est plus spectaculaire qu’avec un filtre rouge, mais il est difficile de viser au travers et son coefficient est important.
  • Infrarouge 87 et 87C : Bloque jusqu’à ≈ 800 nm pour le 87 et 850 nm pour le 87C. Effet le plus saisissant ; utilisables seulement avec l’HIE.

Et en numérique ?

Les capteurs sont sensibles aux rayonnements infrarouges. Il est donc possible de pendre des photos en utilisant un filtre 25 ou 89B et en choisissant le mode NB. Malheureusement, certains capteurs ont été « bridés » pour des raisons de rendu des couleurs ; cela entraînera des temps de pose longs et par conséquent l’emploi d’un trépied.

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